Gary Kurtz
De l'amour et des charmes humains

Il a l'iris du pelage d'un fauve. Noir, jaune, brun... tigré... Racé. Je n'avais jamais vu de tels yeux sauf sur son décor de scène où du coup, j'ai compris que ce n'était pas qu'un design «pété» pour enténébrer l'atmosphère, non: les yeux de Gary Kurtz, il faut les voir de près et se perdre dans son regard pour s'apercevoir, dès lors, que ce gars-là n'en est pas un ordinaire. Tant et si bien qu'en l'observant, mine de rien, tout en l'écoutant me parler de son enfance, de sa famille, de ses débuts, de sa douce moitié et de son fils, je me suis retrouvée complètement sous le charme, ne cherchant absolument pas à comprendre «comment il fait» ses trucs, mais à apprécier, simplement, «ce qu'il fait» de ses dons.

« On dit que je suis un être charismatique... Mais en fait, c'est un charisme naturel, je crois. Je ne force rien ni personne dans la vie. Ni sur scène, dans mon intimité. Je crois qu'on m'accorde ce charisme parce que les gens s'attardent parfois trop à la science, je veux dire, on essaie de rationaliser l'univers, de l'expliquer par des théories, par des chiffres et des diagrammes compliqués... Moi, j'accepte le coté mystique de la vie. Je conçois l'Univers de manière plus spirituelle que scientifique. Lorsque je parle de trucs métaphysiques, les gens écoutent et se montrent intéressés par ce que j'ai à en dire. Je ne force personne à adhérer à ma vision, bien sûr! Je ne suis pas un gourou et je ne me prend pas pour le Christ! Mais je suis un être empreint de sensibilité et d'ouverture et je crois que c'est pour ces qualités que l'on m'associe, peut-être, à un être charismatique. »

D'origines allemandes, il a cependant vu le jour dans le comté d'Essex au sud de l'Ontario, aux abords du Lac Érié. Essentiellement composé de vastes champs, de fermes, de machines agricoles et de quelques gens du pays, cet étrange comté ontarien a la particularité tout-à-fait fascinante d'avoir été fondé à proximité d'un point ancestral de rassemblement de corneilles et de corbeaux. Ces prédateurs y sont encore perpétullement présents et font donc partie de ce pittoresque paysage que je vous dépeins et qui a encadré l'enface de Monsieur Gary Kurtz, celui que partout l'on nomme, à défaut d'autres termes, le «mentaliste».

Voilà qui explique en partie cela. Parce que, malgré ses quarante-cinq ans bien sonnés, Monsieur Kurtz affirme n'avoir jamais perdu contact avec l'enfant qu'il fut, là-bas, dans ce p'tit coin aussi occulte qu'étonnant du Canada. Sur scène, il s'amuse comme un gamin, on le sent, mais son décor en est un délibérément vétuste et énigmatique appelant celui qu'on imaginerait pour un vieux manoir hanté habité par un quelconque savant fou. Vêtu d'une redingote noire, le très grand Gary Kurtz (le monsieur fait au-delà de six pieds trois!) nous invite dans son univers, disons-le, un brin sombre et inquiétant...

« Quand on me demande combien de temps ça prend pour monter un spectacle comme celui que je présente, je réponds que ça prend environ... quarante-cinq ans ! »

Je l'ai trouvé drôle. Il faut dire que Monsieur Kurtz a exploré tout un tas d'univers parrallèles avant d'en piger pour celui de la culture. Cette grande sensibilité qui le caractérise l'a amené à s'intéresser d'abord à la vie en soit avant d'en transcender sa vision sur scène.

« J'aimais beaucoup la nature quand j'étais petit garçon. Je l'aime toujours! En fait, j'avais une grande fascination pour les bibittes, surtout... Encore aujourd'hui, je me passionne pour l'entomologie. J'ai une collection de plus de 8000 espèces de bestioles que j'ai ramassées un peu partout dans le monde. En fait, observer les insectes n'est pas très différent que d'observer les êtres humains. Ceci étant dit, il n'y a rien de péjoratif là-dedans! Mais je crois que toute forme de vie a droit au respect. Et en écoutant, en observant ces formes de vies, on peut en tirer des généralités, voire des conclusions très intéressantes... Ça fait partie de mon spectacle, que de bien connaître les êtres humains... Je les aime. Alors j'aime les étudier et m'amuser avec eux!
Moi, mon contact avec l'art, il s'est effectué plutôt tard. Au début de mon adolescence, par le biais d'un petit ami de l'une de mes soeurs. Il avait quinze ans et il jouait de la guitare. J'étais absolument fasciné! Or comme je n'avais pas de talent pour jouer d'un instrument, j'ai décidé de danser. Alors je suis devenu danseur professionnel et c'est ce que j'ai fait jusqu'à l'âge de vingt-neuf ans. Ça aussi, la danse, j'en utilise beaucoup de techniques sur scène. Je crois que je n'ai rien fait pour rien, finalement. »

Monsieur Kurtz aime demeurer ambigü en ce qui a trait aux raisons qui l'ont poussé quitter la danse pour faire le métier qu'il fait aujourd'hui.

« Ce n'était pas seulement parce que la danse, en bout de ligne, ça ne paie pas beaucoup d'argent... Mon spectacle, en vérité, c'est l'aboutissement de toute une vie... C'était une chose normale que je me retrouve avec un projet comme celui-là. Mon spectacle me ressemble. Certaines personnes aimeraient découvrir des trucages, des supercheries sur scène, pour expliquer mes numéros, mais... Je ne fais pas de prestidigitation. Sur scène, il n'y a rien de louche, rien d'irrégulier. Oui, j'use de tape à l'oeil! Dans les décors de la salle, dans l'ambiance, dans la mise en scène en général, évidemment... Je suis un artiste, je veille à l'aspect théâtral, à la musique et à tout l'enrobage esthétique de mon show! Je porte des masques, bien sûr! Je fais du théâtre! Mais derrière tout ça, c'est simplement moi... Humblement. Oh! Ça m'arrive de me «planter» sur scène, parce que tout n'est pas prévu d'avance! Je fais beaucoup d'improvisation et comme le public est chaque fois différent, chaque spectacle a sa saveur particulière. Il faut être aux aguets tout le temps! L'équipe avec qui je travaille est fantastique pour ça d'ailleurs! Des fois, quand je suis dans l'ambarras, ile se demandent comment je vais bien pouvoir faire pour me sortir du pétrin... Mis je m'en sors toujours, d'une manière ou d'une autre, et puis ça fait des anecdotes à raconter! Alors oui, c'est du spectacle «pur et dur» parce que j'aime travailler avec des effets spéciaux et des mises en scène intéressantes, mais les numéros que je fais ne sont pas construits à partir, j'sais pas... de «matériel de magie» ou d'attrapes-nigauds, ou quoi que ce soit de ce genre! Mon spectacle est construit essentiellement à partir d'un seul homme en compagnie de son public. Alors je ne saurais répondre, lorsqu'on me le demande, quand et comment tout ça a débuté... En fait, j'ai l'impression que je suis, sur scène, ce que véritablement j'ai toujours été.
... Et les plus difficiles à convaincre de ce simple fait sont ceux qui, à la fin du spectacle, sont convaincus que je m'étais «arrangé» avec tout le monde dans la salle... sauf avec eux! » : :

Quittant le monde politique, il décide de se consacrer à la musique et enregistre quelques chansons qu’il a composées. Ceci lui permettra de présenter Patience en septembre 1998, une première maquette composée de dix chansons originales. Dès 1999, il met sur pied le Studio penché où il produit plusieurs musiques de publicité, enregistre des voix hors champ ainsi que les maquettes de différents artistes, tout en lançant lui-même une deuxième maquette, Longueur de temps.

Boursier du Conseil des arts et des lettres du Québec en 2000, 2002 et 2003, il travaille alors avec plusieurs musiciens à la conception de son premier album.

En mars 2003, le Festival de Petite-Vallée le sélectionne parmi les six auteurs-compositeurs-interprètes finalistes de son édition 2003. Il y a remporté le prix studio Kasbah pour il ne sait quelle raison. C’est à Petite-Vallée qu’il rencontre Edgar Bori qui lui propose de lancer un premier album sous l’étiquette des Productions de l’onde.